Origines et évolution de la dette
La dette publique du Sénégal est le fruit d’une accumulation progressive au fil des années, résultant à la fois de choix de développement et de conjonctures économiques. Dans les années 2000, le pays avait bénéficié d’initiatives internationales d’allègement de la dette qui avaient réduit sa charge financière et permis un nouveau départ. Cependant, au cours de la décennie 2010, le Sénégal a entrepris de grands projets d’infrastructures dans le cadre du Plan Sénégal Émergent, tels que la construction d’autoroutes, d’un nouvel aéroport international, d’un train express régional et de nombreuses infrastructures énergétiques. Pour financer ces investissements structurants destinés à soutenir la croissance, l’État a eu massivement recours à l’emprunt, tant auprès de bailleurs internationaux (Banque mondiale, Banque africaine de développement, etc.) qu’à travers des émissions d’obligations sur les marchés financiers internationaux. Parallèlement à ces dépenses d’investissement, des chocs extérieurs ont imposé des emprunts supplémentaires : la pandémie de Covid-19 en 2020 a par exemple contraint le gouvernement à emprunter davantage pour soutenir le système sanitaire et l’économie, creusant encore la dette. En conséquence, la dette publique, qui était relativement modérée il y a une quinzaine d’années, a connu une forte progression. À la fin de l’année 2023, son niveau a atteint un seuil sans précédent, avoisinant la totalité du PIB national. Cette évolution historique montre comment des facteurs structurels (choix politiques d’investissement) et conjoncturels (crises économiques ou sanitaires) se sont conjugués pour alourdir progressivement la dette du Sénégal.
Impact économique et perception des marchés
Le gonflement de la dette publique a des répercussions concrètes sur l’économie sénégalaise et influence la façon dont le pays est perçu par les investisseurs et partenaires financiers. D’un point de vue budgétaire, une dette plus élevée signifie que le service de la dette – c’est-à-dire le remboursement des intérêts et du principal – occupe une part grandissante des dépenses de l’État. Chaque année, des ressources importantes doivent être allouées à ces paiements, ce qui réduit d’autant la marge de manœuvre pour financer d’autres postes essentiels comme l’éducation, la santé ou les programmes sociaux. Si la dette n’est pas maîtrisée, l’État risque de devoir emprunter à nouveau juste pour honorer ses échéances, créant un cercle vicieux. Sur le plan macroéconomique, un endettement proche de 100% du PIB place le Sénégal dans une zone de vulnérabilité : en cas de choc économique ou de baisse des recettes, la soutenabilité de la dette pourrait être remise en question. Les marchés financiers et les agences de notation suivent de près ces indicateurs. Lorsque la dette augmente fortement, les agences de notation peuvent réviser à la baisse la note souveraine du pays ou au minimum placer la perspective sous surveillance négative, traduisant une inquiétude sur la capacité de remboursement à terme. Une note dégradée se répercute immédiatement sur le coût des futurs emprunts : les prêteurs exigent des taux d’intérêt plus élevés pour compenser le risque perçu, renchérissant le coût du financement pour l’État. De même, les investisseurs internationaux, qu’ils soient détenteurs d’obligations d’État ou qu’ils envisagent des investissements productifs dans le pays, intègrent le niveau d’endettement dans leurs décisions. Une dette jugée excessive peut éroder la confiance et freiner l’afflux de capitaux étrangers, dont le Sénégal a besoin pour financer sa croissance. Enfin, sur le plan interne, la perception d’une dette publique très élevée peut susciter des débats parmi les citoyens et les économistes quant aux responsabilités et aux mesures à prendre, pouvant influencer le climat socio-politique. En somme, l’impact de la dette se fait sentir à la fois sur les équilibres financiers de l’État, sur la stabilité économique du pays et sur la confiance des acteurs économiques.
Mesures envisagées pour stabiliser la situation
Face à ces enjeux, les autorités sénégalaises explorent et mettent en œuvre diverses mesures pour stabiliser, puis réduire, le niveau de la dette publique. La première approche consiste à restaurer l’équilibre budgétaire. Cela passe par un effort de réduction du déficit : concrètement, l’État s’emploie à mieux contrôler ses dépenses et à augmenter ses recettes. Du côté des dépenses, des arbitrages sont en cours pour différer ou étaler dans le temps certains projets d’investissement moins urgents, tout en protégeant autant que possible les dépenses sociales prioritaires. Une maîtrise accrue des dépenses de fonctionnement de l’administration est également recherchée, par exemple en limitant les dépenses non essentielles, en optimisant les achats publics et en évitant les dépassements budgétaires. Du côté des recettes, l’État intensifie la mobilisation fiscale : des réformes peuvent viser à élargir l’assiette fiscale (intégration du secteur informel, révision de certaines exonérations), à améliorer l’efficacité du recouvrement des impôts et taxes, et à lutter contre l’évasion fiscale grâce à des outils numériques et des contrôles renforcés.
Parallèlement à l’ajustement budgétaire, le gouvernement par le biais du Ministre Cheikh Diba envisage des actions sur le stock de dette existant. L’une des options est la renégociation de certaines conditions d’emprunt avec les créanciers, notamment pour les prêts les plus coûteux. Il peut s’agir de solliciter un rééchelonnement de la dette (étaler les remboursements sur une plus longue période) ou de rechercher des taux d’intérêt plus favorables. Des discussions dans le cadre du Club de Paris ou avec des partenaires bilatéraux pourraient être initiées pour alléger la pression à court terme. En complément, le Sénégal pourrait également recourir à des appuis financiers internationaux conditionnés à des réformes (comme un programme avec le FMI), ce qui, en plus d’apporter des fonds à conditions concessionnelles, enverrait un signal de confiance aux marchés.
Enfin, sur un horizon plus large, la stabilisation de la dette passera par le retour à une croissance économique robuste et soutenable. Le gouvernement travaille donc à stimuler des secteurs porteurs (agriculture, industrie, nouvelles technologies, exploitation prochaine des ressources gazières et pétrolières) afin d’accroître le PIB et les revenus d’exportation, ce qui améliorera mécaniquement le ratio dette/PIB et la capacité de remboursement. Des mécanismes de surveillance de la dette sont également renforcés : mise en place d’indicateurs d’alerte précoce, publication régulière des statistiques de la dette pour assurer la transparence, et coordination étroite entre le ministère des Finances et la Banque Centrale pour suivre l’impact sur la balance des paiements. L’ensemble de ces mesures, qu’elles soient budgétaires, financières ou structurelles, vise à éviter une crise d’endettement et à remettre progressivement le Sénégal sur une trajectoire financière plus soutenable.